Les étrangers et leurs droits vu par la population française.
- masterjpppdroitdes
- 9 avr. 2021
- 5 min de lecture
Le but de cet article est de montrer de manière générale ce que pensent et connaissent les Français sur le droit des étrangers, les mesures et droits qui leurs incombent ainsi que leur vision de l’action de l’état sur ce sujet.
Je tiens à remercier les 220 personnes qui ont participé au sondage et qui m’ont permis d’avoir une analyse de la pensée française. Bien évidemment, la population française n’étant pas représentée dans son intégralité, les personnes ayant répondu en constitueront un échantillon.
Les graphiques ci-dessous donnent un aperçu des sondés en fonction de leur âge, de leur profession et de leur lieu d’habitation (cf PDF joint)
I) Une critique de l’Etat sur la gestion des étrangers influencée par la couverture médiatique
Les sondés étaient interrogés sur la politique d’immigration française. Une moyenne de 5/10 a été attribuée.
On remarque que des tendances se font en fonction de ceux qui sont pour l’accueil des étrangers et ceux qui sont contre.
L’effet général est que ceux qui sont en faveur d’un accueil massif d’étranger pensent que l’Etat est beaucoup trop sévère. Il y a un « schmilblick » de paperasse et les différentes administrations ne font que se renvoyer les dossiers, ce qui alourdit la procédure. C’est un véritable « parcours du combattant » pour des étrangers qui rêvent d’obtenir une situation régulière sur le sol français. En effet, depuis deux décennies, l’augmentation du flux d’immigration a compliqué l’accès au droit d’asile et aux titres de séjour pour les étrangers. De ce fait, selon certains sondés, c’est le signe d’une absence de dignité humaine, le but étant de limiter la demande, les étrangers sont réduits à de simples numéros et à des statistiques qu’il faut réduire pour l’Etat.
Ceux connaissant le régime d’asile considèrent que, le choix de prendre les décisions majeurs en politique migratoires à l’échelon européen, réduit la solidarité, met en concurrence les États et conduit à une mauvaise gestion des flux migratoires.
De l’autre côté, les sondés critiquent également l’Etat car ils considèrent que ce dernier favorise les étrangers au détriment des français ; que certains étrangers ont droit à davantage d’aides pécuniaires que celles accordées aux français ; que l’Etat est trop laxiste sur le contrôle de ses frontières. L’avis de ces sondés est de favoriser les français dans le besoin et de les aider en priorité avant de s’intéresser à des personnes provenant d’autres pays.
De l’avis général, l’Etat français a besoin de restructurer sa manière de gérer l’immigration.
Concernant le nombre de demandeurs d’asile par an en France et le nombre qui sont acceptés, on se rend compte que le français n’ayant aucune ou que peu de connaissances en droit des étrangers pense souvent à un chiffre bien supérieur à la réalité.
En effet, les chiffre officiel pour l’année 2019 sont de 140 000 demandes d’asile pour 44 000 acceptés par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Seul 15% des sondés avaient la bonne réponse et plus de 70% pensaient que ce chiffre était supérieur à 250 000 demandes pour 160 000 acceptées.
Ensuite, les sondés ont répondu à la question de la différence entre un étranger et un migrant. Bien que 70% des sondés pensaient connaitre la différence, seul 15% ont su y répondre avec succès.
On remarque une connotation négative du migrant alors qu’elle est plus positive pour un étranger.
Selon les Nations unies :
- Un migrant est « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer1 »
- Selon le ministère public : « Est « étrangère » toute personne résidant en France qui ne détient pas la nationalité française. Un « immigré » est une personne née étrangère à l’étranger et venue s’installer en France pour un an au moins, qu’elle ait acquis ou non la nationalité française par la suite. 41% des immigrés étant français2. »
1 Recommandations en matière de statistiques des migrations internationales, première révision (1998) (par. 32))
2 L’Ordonnance du 2 novembre 1945 relatif à la loi sur l’immigration https://www.vie- publique.fr/sites/default/files/fiche_produit/pdf/978 2110099754_EX.pdf
On peut donc se demander d’où vient l’image négative et erronée qu’ont les français des migrants et du nombre réel de demandes d’asile ?
La réponse la plus évidente est la mauvaise information fournie au plus grand nombre par des médias qui exagèrent souvent leur propos sur les étrangers et en leur donnant une mauvaise image.
En effet, le but des médias est de marquer les esprits en suscitant une réaction forte du public. Il est plus intéressant pour eux de parler de la jungle de Calais ou du groupe génération identitaire (qui est un mouvement de suprémaciste blanc qui opte pour une France blanche sans étrangers3), que de la défaillance du système Dublin, du fait que peu de sondés sachent ce que sont des zones d’attente (La zone d’attente est un espace physique qui correspond à la zone sous douane dont l’accès est limité et dans laquelle un étranger est placé à son arrivée sur le territoire français4) ou encore le système Dublin 3.
En effet, seulement 51% ont eu juste alors que 73% connaissent Génération Identitaire (cf : PDF joint)
3 https://www.lefigaro.fr/actualite- france/supremacistes-blancs-quelle-est-cette- frange-de-l-ultra-droite-qui-veut-sauver-la-france- de-la-decadence-20201009
4Loi du 6 juillet 1992 – Article 221-1 du CESEDA http://www.anafe.org/spip.php?article188
II) Une compréhension humaine de la situation des étrangers
Il a également été demandé aux sondés de se mettre à la place des étrangers. Ils devaient essayer de s’imaginer à la place de personnes quittant leur pays, expliquer quel serait leur sentiment en arrivant en zone inconnue et ce qu’ils seraient prêts à faire pour aider des étrangers dans le besoin (sous forme de don, éducation, hébergement).
La but de la démarche était de comprendre leur opinion sur la raison pour laquelle, selon eux, les étrangers fuient leur pays. Les réponses sont édifiantes, « fuir la guerre, à la recherche d’un European Dream, une situation politique plus stable, pauvreté, misère, sans conflits armées ». Toutes ses réponses sont en faveur des étrangers, aucun sondé ne suggère que les étrangers ont quitté leur pays sans raison.
Ensuite, la question consistait à savoir ce qu’auraient fait les sondés à la place des étrangers. Etonnamment, seulement 50% des sondés aurait fui leur pays, les autres n’auraient pas eu le courage ou seulement pour protéger leur famille, en dernier recours. Beaucoup ne savent pas s’ils auraient la force de partir.
Comme beaucoup de sondés compatissaient à la situation des étrangers, se pose la question de savoir si une grande majorité serait prête à leur apporter de l’aide ?
La majorité des sondés ont dit (80%) être prêt à faire un geste en faveur des étrangers. La plupart ont répondu en fonction de leur compétence (coach sportif, les démarches administratives, apprendre la langue) ainsi que sous forme de don ou d’hébergement (problème de confiance pour certains) ou encore une formation à des métiers.
Pour finir, une écrasante majorité a estimé avoir un sentiment d’être un étranger en arrivant dans un autre pays. Cela du fait de la différence de langue, de culture et le sentiment de ne pas être intégré facilement dans ce nouvel environnement.
III) Conclusion
Pour conclure, il est intéressant de noter que même si 90% des sondés connaissent les raisons d’acceptation d’une demande d’asile, 60% pensent aussi que l’on peut être un demandeur d’asile dû au climat ou des raisons économique.
Face à de telles disparités dans la perception de l’immigration en France, on comprend facilement que la situation de l’asile et des étrangers parait pour le moins complexe aux yeux de français ne travaillant pas dans le domaine de l’immigration. Cela laisse transparaitre une réelle ignorance collective des mesures et conditions liées à la matière ; ignorance illustrant un problème majeur de société.
Comment se mettre dans la peau d’une personne qui fuient son pays pour sa sécurité, qui en arrivant doit suivre un parcours de combattant et faire face à la méfiance des locaux liés à leurs méconnaissances du système de droit d’asile de leur propre pays. Parallèlement, les habitants dudit pays n’ont eux-mêmes aucune connaissance sur la procédure à suivre. Nul doute qu’un devoir d’information est nécessaire surtout pour un enjeu aussi actuel et sensible.
SCARINGELLA QUENTIN
Master 2 Justice, Procès et Procédures Pratique du Droit des Étrangers Faculté de Droit de Toulon
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