Les titres de séjour : l’inégalité et l’insécurité des étrangers
- masterjpppdroitdes
- 9 avr. 2021
- 5 min de lecture
Par Keishiana ALI SAHRAOUI (Master 2 Justice, Procès, Procédures
Parcours Droits des étrangers – Faculté de Droit de Toulon
« Nous reconduisions de manière intraitable celles et ceux qui n'ont pas de titre [1]» discours aux forces de sécurités intérieurs du 18 octobre 2017 par le du président de la République Emmanuel Macron. Il serait injuste de reconduire les étrangers qui sont sans titre de séjour en raison de l’administration française. La dématérialisation est source d’insécurité pour les étrangers aussi bien pour les demandes de titres de séjour que pour les récépissés lors de l’instruction des demandes de séjour.
Les titres de séjour sont la reconnaissance par l’administration française du droit de s’installer sur le territoire français pour un étranger. La délivrance des titres de séjour relève de la préfecture du lieu de domicile de l’étranger. Certaines préfectures, selon la concentration d’étrangers sont submergées par les demandes de carte de séjour. En France, il y a plus de 200 000[2] demandes de carte de séjour par an juste pour les primo-arrivants avec une baisse dû à la crise sanitaire. La forte immigration en France, entraîne l’administration à vouloir dématérialiser les procédures de titres de séjour et l’obtention des récépissés.
Ø La dématérialisation des procédures de titre de séjour : insécurité et inégalité Plusieurs préfectures utilisent désormais la dématérialisation pour certaines procédures telles que les demande de titre de séjour, demande de renouvellement, etc. Chaque préfecture est libre de définir les procédures pour chaque demande de titre de séjour. A titre d’exemple, à la préfecture de Lille, les demandes de titre de séjour s’effectuent par voie postale avec accusé de réception alors que pour les étudiants, la procédure s’effectue entièrement en ligne. Alors que pour la préfecture des Hauts de Seine, les demandes de titre de séjour pour se font en ligne à quelques exceptions. La dématérialisation des démarches des étrangers est une innovation, mais présente des difficultés pour les étrangers du fait d’une absence d’une part d’uniformisation des procédures pour toutes les préfectures. Mais il se peut que cela soit résolut avec l’objectif du gouvernement qui est d’achever la dématérialisation à l’ensemble des demandes de titre de séjour, d’ici 2022[3]. Il est proposé par la plupart des préfectures des prises de rendez-vous en ligne pour le dépôt des demandes de titres de séjour. Cela est source de difficultés, notamment par l’absence de plage horaire par rapport aux nombres de demandes. Surtout que les rendez-vous ne peuvent être pris uniquement sur Internet alors qu’il est impossible de prendre rendez-vous physiquement. La solution serait pour prendre un rendez-vous dans les temps que l’étranger indique la date d’échéance de sa carte de séjour. Il serait également possible de permettre aux étrangers de faire leur demande de titre de séjour dans toutes préfectures, ce qui permettrait un désengorgement de celles-ci. En attendant des ajustements de la dématérialisation pour les étrangers en matière de demande de titre de séjour, il est possible après plusieurs tentatives de prise de rendez-vous en vain de saisir le tribunal. Il est rappelé dans un arrêt du Conseil d’Etat du 27 novembre 2019[4] que « le fait d’accomplir des démarches par voie dématérialisée doit rester une option pour les usagers du service public et non une obligation ». Ainsi, un référé « mesure utile » qui est engager devant le tribunal permet au juge d’ordonner rapidement à l’administration de prendre une « mesure utile », c’est-à-dire de fixer rapidement un rendez-vous pour l’étranger. Cette soi-disant dématérialisation des procédures qui permettrait une simplification est source d’exclusion et d’isolement pour les étrangers, qui sont souvent dans la précarité, non-francophones et illettrés. Il y a une forte population qui n’a pas accès à Internet ou ne maîtrise pas les nouvelles technologies, et cela se voit encore plus pendant la crise sanitaire. La précarité dans laquelle se trouve les étrangers du fait de la dématérialisation, poussent certaines personnes à marchander la prise de rendez-vous des préfectures. Ainsi, on profite de la vulnérabilité des étrangers pour leur vendre des rendez-vous à des prix exorbitants (jusqu’à 200 euros)[5]. Cela est inadmissible que les rendez-vous dans les préfectures, qui sont un service public et gratuit, soient payants ou soient marchandés. Les étrangers pouvant payer pourront rapidement déposer leur demande, ce qui est source d’inégalité entre les étrangers eux-mêmes. Ces difficultés des étrangers liés à la dématérialisation déjà dénoncé par le défenseur des droits de l’homme dans son rapport du 16 janvier 2019 relatif à la « Dématérialisation et inégalité d’accès aux service publics » qui dénoncé une fracture dans l’accès à internet et des problèmes techniques en général dû à la dématérialisation.
Ø Les récépissés un freint dans la vie des étrangers Les difficultés de la dématérialisation qui sont l’absence de rendez-vous en ligne ou l’illectronisme[6] entraine l’insécurité des étrangers. D’une part, lorsque l’étranger n’a pas fait sa demande ou renouvellement de son titre de séjour en raison des difficultés énoncés précédemment, il se trouve en situation d’irrégularité lors de l’échéance du titre de séjour. Le titre de séjour ne permet pas à son titulaire de bénéficiaire des droits que celui-ci accorde à sa péremption à l’inverse de la carte d’identité nationale qui est valable 5 ans après sa péremption. Ainsi, il serait judicieux de permettre que le titre de séjour des étrangers soit valable après leur péremption le temps de trouver un rendez-vous pour le dépôt de leur demande. Il a été mis en place la prolongation des titres de séjour contenu du contexte sanitaire par différente ordonnances (l’ordonnance du 22 avril 2019 prolongé les titres de séjours pour 3 mois puis modifié par l’ordonnance du 25 mars 2020 qui prolonge de 6 mois[7]). D’autre part, lorsqu’un étranger fait sa demande de titre de séjour il lui ait remis selon l’article R. 311-4[8] du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. Et lorsque le titre de séjour demandé ou renouveler permet l’exercice d’une activité professionnelles, le récépissé autorise l’étranger à travailler (article R.311-6[9] du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Ce récépissé ne permet pas à l’étranger d’avoir accès à certains droit (le code de sécurité sociale et le code de l’action sociale et des familles) ou encore d’effectuer certaines démarches (exemple : le changement de permis de conduire qui nécessite un titre de séjour ou encore la possibilité pour un étranger de prendre la location d’un appartement). Cette situation d’insécurité de l’étranger peut être pérennisé pendant des années parfois, le temps de l’instruction de la demande qui est long avec le nombre de demande. Les délais entre le dépôt d'une demande et la délivrance du titre est amplifiés avec la crise sanitaire de la Covid-19. Enfin, il est envisagé dans le cadre de la simplification des démarches de rendre également le récépissé dématérialisé. La situation des étrangers est incertaine en temps normal, mais cela a empiré avec la crise sanitaire. Une importante réforme est nécessaire concernant le droit des étrangers et notamment concernant les cartes de séjour. Ne faut-il pas revoir de fond en comble la procédure des cartes de séjour ?
[1] https://www.charentelibre.fr/2017/10/18/macron-veut-raccompagner-de-maniere-intraitable-les-etrangers-sans-titre-de-sejour,3150445.php [2] https://www.immigration.interieur.gouv.fr/content/download/125863/1006910/file/EM-2021-59-les-titres-de-sejour-au-21-janvier-2021.pdf [3] https://www.interieur.gouv.fr/content/download/125019/1000826/file/cp-anef-10-novembre-2020.pdf [4] https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2019-11-27/422516 [5] https://www.lepoint.fr/societe/titres-de-sejour-ces-rendez-vous-en-prefecture-qui-se-revendent-jusqu-a-200-euros-01-06-2019-2316347_23.php [6] L’illectronisme est la difficulté, voire l’incapacité, que rencontre une personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques en raison d’un manque ou d’une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement. [7] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041814597/ [8] Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce récépissé est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 311-10, de l'instruction de la demande. [9] Le récépissé de la demande de renouvellement d'une carte de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle autorise son titulaire à travailler.
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