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Le placement en zone d’attente de mineurs étrangers non-accompagnés : un non-sens juridique

  • masterjpppdroitdes
  • 9 avr. 2021
  • 4 min de lecture

« La zone d’attente est un progrès pour les étrangers, parce qu’elle leur permet d’exercer leurs droits, avant même d’être entrés sur le territoire national. » Eric Besson, Ministre, Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité

Nationale et du Développement solidaire, 11 mai 2009



Qu’est ce qu’une zone d’attente ? Loin de ce que le nom laisserait supposer, à savoir des espaces tampons filtrant les entrées sur le territoire national, il s’agit d’espaces de privation de liberté entre un lieu de débarquement ferroviaire, aérien ou portuaire, souvent à portée internationale, et le territoire national français.

Cette privation de liberté, reposant sur un principe d’enfermement à la frontière, est encadrée par la loi Qui lès de 1992 (et l’ancien article L.221-2 du CESEDA1). La souveraineté des États implique effectivement un droit de contrôle de la circulation des étrangers sur leur territoire, mais l’amplification des flux migratoires dopés par des facteurs multiples (terrorisme, crise sanitaire, crises politiques, crise économique, discriminations ethniques, religieuses, sociales, ou encore sexuelles) a incité les États à durcir leurs politiques dans un carcan répressif.


Un mineur isolé est qualifié de non-accompagné quand il n’a pas de représentant légal. Dans ce cas, le Procureur de la République est tenu de lui désigner sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci est chargé de l’assister et de le représenter dans les procédures de demande d’asile et de maintien en zone d’attente, avec une présence physique effective.

Il est ainsi prévu qu’il doit informer le mineur dont il a la charge de son droit à un interprète et à voir un médecin.

Ne paraît-il pas évident qu’un mineur isolé n’a pas seulement droit à ces assistances, mais que la France devrait être tenue de les lui fournir sur le fondement de l’intérêt supérieur de l’enfant ?


1 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000024197165/ (abrogé le 16 décembre

2020)



A ce titre, il convient de signaler que la majorité des administrateurs ad hoc désignés relèvent en large majorité d’organisations associatives, notamment la Croix-Rouge et Famille Assistance pour l’aéroport de Roissy.


Il semble donc que l’État français, non content d’assimiler le placement de mineurs isolés en zone d’attente à celui d’adultes majeurs, en délègue également le bon suivi aux associations, comme si sa responsabilité n’en était pas plus importante. Pourtant, nombreuses sont les critiques dans l’espace public de ce comportement.


1. Pour le Comité des Droits de l’Enfant de l’Organisation des Nations-Unies, « Les enfants sont souvent renvoyés vers des pays où ils risquent d’être exploités sans que leur situation n’ait été véritablement évaluée »2.

2. Pour le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Réfugiés, « Lorsqu’il est nécessaire d’interroger des enfants, les entretiens doivent être menés d’une manière adaptée aux enfants pauses, climat de confiance) par des agents spécialement formés. A chaque entretien, l’enfant doit être accompagné (représentant légal, parents, assistant social), et les témoignages doivent pouvoir être fournis par divers moyens : oral, dessins, récits écrits, entretiens vidéos) avec des experts indépendants »3.


L’aspect psychologique de l’enfermement des mineurs en zone d’attente est peu abordé : pourtant, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a largement affirmé que « la promiscuité, le stress, l’insécurité et l’environnement hostile », que représentent les lieux de privations de liberté (en l’espèce que les centres de rétention, mais que l’on peut transposer aux zones d’attente), « ont des conséquences néfastes sur les mineurs, en contradiction avec les principes internationaux de protection des enfants »4. Plus encore, la Cour n’a pas hésité à qualifier ces enfermements comme de véritables violations de la Conventions à compter des simples détention et/ou refoulement5.


Rappelons également que les zones d’attente sont des lieux dans lesquels les mineurs étrangers sont placés avec des majeurs étrangers.



2 http://www.anafe.org/IMG/pdf/formation_-_la_procedure_et_la_defense_des_droits_en_zone_d_attente_-

_octobre_2018.pdf


3 https://www.unhcr.org/fr/4b151b92e.pdf


4 Cour Européenne des Droits de l’Homme, arrêt Popov c/France, 19 janvier 2012


5 Cour Européenne des Droits de l’Homme, arrêt Mayeka c/Belgique, 12 octobre 2004


La question suivante est également légitime : pourquoi l’État tient-il tant au placement des mineurs étrangers en zone d’attente ? La réponse est simple, puisqu’elle tient à la facilité de leur renvoi. En effet, tant que les mineurs étrangers sont retenus en zone d’attente, considérée par la France comme une zone extra-territoriale, on prime leur statut de migrant sur leur statut de mineur. Si ces mineurs étrangers accèdent au territoire français, ils pourraient alors cumuler un certain nombre de droits, comme le droit à la scolarisation6.


Mais pour cela, ils doivent pouvoir faire valoir certains droits, comme celui de demander asile ; mais il existe un risque pour qu’ils soient intimidés par les agents de la Police aux Frontières (PAF) française, ou de tout autre agent public, et être incités à signer des papiers où ils reconnaissent leur majorité, ou leur consentement à repartir.

Le Pays des Droits de l’Homme, le berceau de la Philosophie des Lumières, et de leur humanisme, devrait être de tout coeur avec la pensée du Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Nils Muižnieks, quand celui-ci affirme le 31 janvier 2017 que : « Il n’existe aucune circonstance dans laquelle la détention d’un enfant, du fait de son statut de migrant, pourrait être décidée dans son intérêt supérieur. La suppression totale de la détention des migrants mineurs devrait être une priorité pour tous les États ».



6 Article 3, Convention Internationale des Droits de l’Enfant, 1989





LE MASSON Nathan Master 2 Justice, Procès et Procédures Pratique du Droit des Étrangers

Promotion 2020-2021









 
 
 

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