Le travail des étrangers en situation irrégulière sur le territoire Français
- masterjpppdroitdes
- 9 avr. 2021
- 8 min de lecture
Le travail des étrangers en situation irrégulière sur le territoire Français : le combat contradictoire des dispositions légales. le combat contradictoire des dispositions légales.
I- L’interdiction de travail des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français. Contexte légal de cette interdiction
Les termes « d’étrangers en situation irrégulière » souvent assimilés à ceux de « clandestins » ou « sans-papiers » désignent un statut juridique qualifiant la situation d’un étranger présent sur le territoire d’un État, tout en étant dépourvu de titre de séjour (sans titre de séjour ou titre à terme de validité échue). Il serait utopique de penser que les frontières, les contrôles d’identité ainsi que les obligations de visa suffisent à ne laisser entrer sur le territoire français que des personnes en situation régulière. Si beaucoup d’étrangers parviennent au sein des différents États munis de documents autorisant leur entrée sur le territoire ; visas de court ou long séjour ; une part non négligeable parvient dans un élan de désespoir à y entrer en évitant de telles obligations matérielles, à l’exemple des arrivées par pirogues sur les côtes espagnoles ou italiennes. Une fois sur le territoire français ces étrangers, comme tout individu, doivent assurer leur subsistance alimentaire et matérielle. Lorsque leur titre de séjour est valide et les autorise à travailler : aucun problème ne se pose ; mais lorsqu’ils n’en ont pas, que ceux-ci ne sont plus valides ou ne permettent tout simplement pas le travail sur le territoire français, le code du travail ainsi que le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) viennent encadrer les pratiques de chacun.
En principe, selon l’article L8251-1 du code du travail « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. » Cela signifie qu’en principe, aucun étranger en situation irrégulière ne peut légalement travailler sur le territoire français, de même qu’aucun employeur ni aucun particulier ne peut bénéficier des services d’une personne en situation irrégulière sur le territoire français. La précision que « nul ne peut […] conserver à son service » admet également la possibilité qu’un employeur ait pu avoir à son service un individu en situation irrégulière sans en être informé ; ce qui implique que dès la connaissance de la situation irrégulière de l’employé, il se doit de mettre fin à la relation de travail. De cette disposition législative découlent de nombreuses obligations pour l’employeur faisant peser sur lui la charge de la régularité de la relation de travail dès l’embauche et ce, jusqu’à l’extinction du contrat.
Les obligations de contrôle de l’employeur :
Pour se protéger de l’éventuelle embauche d’un travailleur en situation irrégulière, l’employeur doit, outre les obligations requises pour l’embauche de tout salarié, appliquer des dispositions
supplémentaires.
C’est ce que prévoit l’article L5221-8 du code du travail qui dispose que « L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1. » Tout employeur dans le contexte d’embauche d’un travailleur titulaire d’un titre de séjour, doit donc effectuer des recherches auprès de la Préfecture pour s’assurer de la validité du titre présenté ou même de son
existence pour ainsi éviter les fraudes.
Une exception est énoncée si le travailleur est inscrit sur la liste nationale des demandeurs d’emploi. En effet une présomption de régularité découle du fait que l’institution des demandeurs d’emploi a elle-même dû effectuer les contrôles nécessaires.
En conséquence, l’employeur ayant méconnu cette obligation de contrôle préalable à l’embauche
s’expose à des sanctions financières voire pénales !
Quelles sont ces sanctions ? Pour un employeur, avoir à son service des employés en situation irrégulière ne signifie pas obligatoirement travail dissimulé mais bien souvent cela va de pair. L’attrait d’une main d’œuvre moins chère dites « au noir », sans cotisations sociales, sans déclaration à l’URSSAF peut suffire à faire pencher la balance oscillante entre honnêteté et fraude. Pour tenter de dissuader les employeurs de recourir à l’embauche de travailleurs en situation irrégulière le code du travail dispose dans son article L8256-2 que « Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d'embaucher, de conserver à son service ou d'employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1, est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 15 000 euros » et que « Ces peines sont portées à un emprisonnement de dix ans et une amende de 100 000 euros lorsque l'infraction est commise en bande organisée ». Ce même code prévoit à son article L8253-1 que « l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 (obligation de vérification du titre de séjour auprès de la préfecture) acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. ».
C’est l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) qui est chargé de fixer le montant de cette contribution pour le compte de l’État. A cela s’ajoute la sanction prévue par le CESEDA dans son article R-626-1 qui est du paiement d’une contribution forfaitaire de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine à la charge de l’employeur qui en violation du code du travail a embauché ou employé un travailleur étranger dépourvu de titre de séjour. Néanmoins, la jurisprudence a défini des exceptions permettant l’exonération de la responsabilité de l’employeur notamment lorsque ce dernier ne connaissait pas le caractère irrégulier de la situation de son employé, ou ne connaissait pas le caractère frauduleux des documents d’identité présenté par l’employé ( à l’exemple de l’employé qui aurait donné une carte nationale d’identité française lors de son embauche ne faisant pas peser sur l’employeur l’obligation de vérification en préfecture). Tous ces éléments semblent rendre quasiment impossible le travail des étrangers en situation irrégulière sur le territoire français. Et si en réalité il était permis ? II- L’admission exceptionnelle au séjour par le travail : une autorisation de travail pour les sans-papiers? Une régularisation exceptionnelle sous conditions En théorie, il est interdit à toute personne d’avoir à son service un individu en situation irrégulière, mais est-il pour autant proscrit à l’étranger en situation irrégulière de se faire embaucher ? Cette nuance montre son intérêt dans le constat que les dispositions légales françaises ne condamnent pas les faits en ce sens. Ce qui provoque nécessairement des situations illégales pour l’employeur mais sans incidence pour l’étranger si ce n’est la perte de son emploi et le risque de dénonciation en préfecture. Si en principe un étranger, non titulaire d’un visa autorisant l’exercice d’une activité professionnelle, doit obtenir une autorisation de travail auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), afin d’exercer toute activité professionnelle en France ; la pratique démontre que cette autorisation n’est pas un préalable incontournable. Le dispositif d’admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière bénéficiant de contrats de travail s’inscrit dans une volonté de régularisation de ces situations illégales. La circulaire dîtes « Valls » du 28 novembre 2012, instaure les conditions d’examen des demandes de régularisation par le travail pour les sans-papiers. Notamment des conditions de durée de résidence sur le territoire français, de preuve d’exercice d’une activité professionnelle (promesse d’embauche ou contrat de travail) et de preuve de revenus sur une période donnée. Ce dernier critère de preuve de revenus semble incohérent : comment un « sans- papier » peut-il justifier de fiches de salaires s’il n’a pas le droit d’être embaucher ? La circulaire inciterait-elle à enfreindre la loi ? Bien entendu, cette possibilité d’admission exceptionnelle au séjour est, comme son appellation l’indique, accordée à titre exceptionnel après l’étude des situations au cas par cas. Il n’est pas question d’accorder cette régularisation de plein droit à un étranger travaillant en situation irrégulière. C’est donc au Préfet que revient le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non ce bénéfice ; au travers d’une délégation de signature à la DIRECCTE chargée de délivrer après examen de dossier, une autorisation de travail. La décision préfectorale n’est théoriquement pas liée à la décision de la DIRECCTE mais il semble logique que le Préfet n’accorde pas de titre de séjour autorisant le travail à un étranger qui s’est vu refuser la délivrance d’une autorisation de travail.
III. La nécessaire conciliation de l'admission exceptionnelle au séjour par le travail avec les dispositions du code du travail.
L’admission exceptionnelle au séjour par le travail reconnait donc l’existence de salariés en situation irrégulière dans les entreprises françaises. Il convient de se demander comment ces salariés parviennent à se faire embaucher ?
Il est indéniable que de nombreux employeurs se veulent peu regardants des dispositions légales
lorsqu’il s’agit de gains. Eux donc, embauchent des individus en situation irrégulière en toute
connaissance de cause.
Mais l’étranger à la recherche de moyens de subsistance va lui aussi tenter de se faire embaucher et ce, par tout moyen. Nous avons pu prendre connaissance en cabinet d’avocat d’un procédé courant en la matière : la fraude aux documents d’identité à travers le partage d’une carte d’identité unique.
De nombreux étrangers en situation irrégulière usent de faux documents pour se faire embaucher. Que ce soient des titres de séjour falsifiés ou empruntés ; et même de véritable carte nationale d’identité française.
Le fait d’emprunter l’identité d’un autre (sans forcément de ressemblance physique flagrante si ce n’est la couleur de peau) pour ainsi obtenir une embauche sous l’identité du tiers est devenu courant.
L’employeur peu regardant ou disons plutôt « dissipé », ne verra pas cette ruse, ou la verra mais fermera les yeux, ce qui lui permettra de prendre cette personne à son service. Lorsque l’employeur prendra explicitement connaissance de l’irrégularité de la situation il se devra de mettre immédiatement fin à la relation de travail pour ne pas d’avantage être dans l’illégalité.
Là ou l’on peut dire que l’admission exceptionnelle au séjour se concilie avec le droit du travail, c’est que cette dernière permet à l’employeur et au salarié irrégulier de pouvoir régulariser cette situation pour ainsi poursuivre leur contrat de travail. D’abord par la demande de l’employeur d’une autorisation de travail pour son employé auprès de la DIRECCT ; à la suite de laquelle le salarié pourra faire une demande de titre de séjour en tant que travailleur. Pour cela il est admis que le travailleur prouve l’effectivité de sa période de travail à travers des attestations de concordance établies par tout collègue de travail qui indiqueront qu’ils ont bien travaillé avec cette personne qui se faisait nommer par l’identité d’un autre.
Malheureusement il arrive que des employeurs ne souhaitent pas poursuivre la relation de travail de manière régulière après cela. On pourrait invoquer leur obligation de bonne foi en leur demandant d’aider à la régularisation de la situation de l’étranger, mais ils sont également en droit de le licencier. Licenciement qui comme pour un salarié lambda, peut ouvrir droit à une indemnité même pour l’étranger en situation irrégulière qui a tout de même des droits.
Si ce mode de régularisation a longtemps été controversé, il était aussi très attendu par les
syndicats et associations pour le droit des étrangers qui n’ont pas hésité à manifester pour son
obtention.
Il semble des plus bienveillants envers les étrangers en situation irrégulière. Cette régularisation n’est pas un automatisme dont ne contredit pas expressément le code du travail, elle le ne nie pas ce
qu’il interdit mais fait peser une certaine souplesse sur ses dispositions.
Ce ne peut être qu’une disposition favorable pour les étrangers en situation irrégulière ; leur existence et leurs conditions de vie ne sont plus niées, les autorités administratives favorisent la régularisation permettant d’échapper à cet état précaire plutôt que le silence gardé sur ces illégalités. Cela leur permet de pouvoir contribuer aux cotisations sociales, au paiement des impôts ainsi que bien d’autres avantages ; et in fine de pouvoir prétendre à une pension de retraite comme tout citoyen.
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SAWANÉ AMINATA.
Étudiante en M2 Justice, procès, procédure parcours pratique du droit des étrangers
Université de Toulon.
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