Les droits dont bénéficient les demandeurs d’asile en France.
- masterjpppdroitdes
- 9 avr. 2021
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Dans le cadre du projet collaboratif du master 2 justice procès procédure, parcours pratique du droit des étrangers de la faculté de droit de Toulon, un article est dédié aux droits que détiennent les demandeurs d’asile en France.
Le droit d’asile consistant à la protection accordée à un individu par un état, est un principe constitutionnel[1], il autorise à recevoir ou à accueillir des étrangers sur le territoire de la république s’il y a une persécution en raison d’une action en faveur de la liberté. Jusqu’à la révision de la constitution de 1993, c’est le seul texte qui fait référence aux étrangers dans le bloc de constitutionnalité.
Ce droit est souvent limité par des normes ou exigences conventionnelles et législatives qui réduisent son exercice. En ce sens que, il serait indéniable d’affirmer que l’asile reste la porte principale d’entrée migratoire, et donc il doit être fortement réglementé.
La demande d’asile peut se faire soit à la frontière, soit à l’intérieur du pays. L’asile est défini de façon classique comme la protection accordée par un état dont bénéficie une personne, qui est, menacé par sa vie, sa liberté ou sa sécurité. Notons toutefois que l’asile qui s’entend par la protection internationale est subdivisée en deux catégories à savoir celle constitutionnelle (avec un champ d’application précis car en faveur de la liberté) et celle conventionnelle (avec un champ d’application général) à laquelle s’ajoute une troisième catégorie qui est celle de la protection subsidiaire. C’est la deuxième catégorie, à savoir l’asile conventionnelle qui intéresse le droit d’asile.
De prime abord, il faut faire une distinction entre le demandeur d’asile et le migrant. Les demandeurs d’asile sont donc des personnes qui pour des raisons de persécution quittent leur pays d’origine, alors que les migrants quittent leur pays à la recherche d’une amélioration de leur condition de vie.
Ils (les migrants) peuvent retourner dans leur pays à n’importe quel moment car aucune persécution n’était à l’origine de leur départ contrairement au demandeur d’asile à qui ce choix s’est imposé.
Les demandeurs d’asiles ont-ils besoins de plus de droits spécifiques ?
Le demandeur d’asile est à différencier du réfugié, car ce dernier bénéficie déjà de la protection internationale alors que le demandeur d’asile est encore au stade de la demande, et ses droits sont limités pendant toute la durée du traitement après qu’il ait procédé au dépôt effectif de sa demande auprès de l’Office Français de Protections des Réfugiés et demandeurs d'Asile (OFPRA).
Cette démarche leur confère de nombreux droits comme le maintien sur le territoire, le droit à un hébergement dans des locaux appropriés, le droit à une allocation, à l’éducation etc.
I- La nécessité du droit au maintien sur le territoire.
Le droit au séjour est l’un des premiers droits dont bénéficient les demandeurs selon l’article L743-1 du CESEDA. Ils ont le droit de rester sur le territoire Français jusqu’à la décision finale soit de l’OFPRA ou de la CNDA qui est une cour en cas de recours contre la décision de l’office. Ce droit au maintien sur le territoire n’est pas automatique, il faut d’abord que la France soit responsable du traitement de la demande faite par l’étranger, dans le cas contraire, elle procède au transfert de la personne vers un autre état de l’union européenne qui est responsable du traitement de la demande d’asile. Le séjour ou le maintien du demandeur sur le territoire français peut être refusé au demandeur s’il est révélé que la France n’est pas le responsable ou compétente de la demande d’asile, ou lorsque la présence de la personne constitue une menace pour le territoire sur lequel la demande est faite.
L’étranger dispose donc d’une autorisation provisoire de séjour (APS) d’une durée de 6 mois jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande en cas de refus, la personne peut faire un recours. L’attestation de demande d’asile délivrée dès lors que la demande a été enregistrée par l’OFPRA vaut autorisation provisoire au séjour. Cela vaut également pour les demandeurs d’asile placés en procédure « Dublin » qui se voient délivrer une attestation de demande d’asile qui doit être renouvelée tous les 4 mois.
Le demandeur d’asile doit résider dans la région désignée par l’Office de l’Immigration et de l’Intégration OFII durant l’examen de sa demande d’asile. Il ne peut donc pas quitter ce lieu sans autorisation sauf en cas de motifs impérieux. Toute décision prise par l’office doit tenir compte de la situation personnelle et familiale de l’étranger car les situations ne sont pas les mêmes et varient en fonction de l’étranger concerné.
Ce droit au maintien sur le territoire cesse à compter de la lecture publique et non plus à compter de la notification de la décision de la CNDA. Le refus de la protection est souvent retenu si le les arguments qu'avance le demandeur ne sont pas objectifs, cohérents ou sont en contradiction avec la réalité de faits.
II- Le droit à l’hébergement
La loi du 25 juillet 2015 a veillé à la mise en place d’un dispositif directif visant à répartir les demandeurs d’asile dans les CADA sur le territoire et la loi du 10 septembre 2018 a autorisé une répartition des demandeurs d’asile suivant des quotas par région afin d’éviter les concentrations de demandeurs d’asile dans certaines régions. Les conditions d’hébergement dans les centres sont prévus dans les textes réglementaires garantissant les conditions d’accueil des personnes hébergées à savoir le respect des conditions sanitaires et des règles de procédures. Les centres d’accueil CADA doivent prévoir la scolarisation des enfants de 3 à 16 ans.
Les CADA ont fait l’objet d’une réforme importante en 2006. Ils ont maintenant leur statut propre et ont pour but l’hébergement exclusif des personnes en attente de réponse de l’administration Française concernant la demande de protection internationale. Ils relèvent des établissements sociaux et médico-sociaux régis par le code de l’action sociale et des familles CASF. Il y a une volonté accrue d’augmenter le nombre de places dans ces centres. 42 000 places sont actuellement disponibles pour 141 000 demandeurs. 25% de ces places sont occupées par des personnes qui ne sont plus demandeurs d’asile. Force est de constater qu’ils sont parfois hébergés dans des centres d’hébergement d’urgence, mais ces locaux ne sont pas destinés à cette fin. Une fois que les places ont été attribuées par l’OFII, les demandeurs ne peuvent refuser au risque de les perdre. Ils sont obligés d’accepter pour leur propre intérêt et de respecter les différentes conditions soumises.[2] Malgré ce taux, plusieurs d’entre eux sont hébergés soit chez des amis ou la famille.
Dans une ordonnance en référé en date du 19 novembre 2010, « Ministre de l’immigration c/ Pano kil »[3] Le conseil d’état a revu ses exigences à la baisse devant la réalité de l’insuffisance des places, et admet que les tantes et les camps ne sont pas contraires à la dignité en ce sens qu’ils peuvent accueillir des demandeurs d’asiles.
Les demandeurs d’asiles dont dépendent le traitement de leur demande par la France sont aptes à être accueillis dans les CADA alors que les dublinés n’ont pas le droit d’être hébergés dans ces centres. Ils ont pratiquement tous des droits identiques à cette différence près. Telle est la solution retenue dans un arrêt du 27 septembre 2012 de la CJUE[4] qui précise que : « les dublinés doivent bénéficier des mêmes conditions minimales d’accueil et aides sociales que les demandeurs d’asile mais pas du placement en CADA ».
Il convient de rappeler que les demandeurs d’asile qui sont déboutés définitivement de leurs demandes d’asile perdent tous les droits afférents à ce statut s’ils étaient hébergés dans un CADA, ils doivent quitter leur logement dans le mois qui suit la notification de la décision de l’OFPRA ou de la CNDA.
III- Le droit à une allocation mensuelle et une couverture médicale universelle.
Les demandeurs d’asile, une fois ayant déposé convenablement leur demande, ils ont désormais le statut de demandeur d’asile qui leur confère entre autres, le droit à une allocation mensuelle appelée Allocation pour Demandeur d’asile ADA qui est crédité sur une carte de débit d’un montant journalier de 6,80 euros par demandeur seul, majoré de 7,40 euros jusqu’à l’attribution effective d’un logement.
Cette situation connaît une récente évolution car L’OFII a annoncé de supprimer la possibilité de faire des retraits avec cette carte. Ce qui consterne bon nombre de directeurs d’association comme le précise monsieur PIERRE Henri, « cette réforme va compliquer inutilement la vie des demandeurs d’asile »[5].
Cela est très justifié car le montant journalier alloué par personne est déjà insuffisant et ne peut constituer une aide conséquente pour les demandeurs d’asile.
Ils ont également droit à une protection sanitaire appelée la PUMA qui leur offre une couverture maladie étendue, et ils peuvent prétendre au bénéfice de la CMU et d’une aide juridictionnelle à savoir le droit à un avocat, à un interprète à une visite médicale etc.
IV- Le droit au travail avec une autorisation.
Les demandeurs d’asile, depuis 1991 en France, ne disposent plus du droit de travailler automatiquement. C’est avec la loi du 29 juillet 2018 que les demandeurs d’asile sont autorisés à travailler pour la première fois s’il arrive que l’administration ne statue pas sur leur demande dans un délai de 6 mois. Antérieurement à cette loi, une autre de 2015 prévoyait un délai de 9 mois.
Ce délai de 6 mois peut être revu à la baisse et ramené à deux mois en faveur des demandeurs d’asile, car c’est le délai légal en France pour avoir la réponse de l’administration. Ce délai peut donc être uniformisé pour l’autorisation de travail, étant donné que la DIRECTE a un délai de deux mois également à compter de la réception de la demande d’autorisation. Le silence valant acceptation, l’autorisation est réputée acquise et elle est applicable durant toute la durée du maintien de demandeur sur le territoire Français.
Par un arrêt en date du 17 sept 2009 affaire « Salah », le conseil d’état affirme que : « le droit à un accueil décent doit être garantit aux demandeurs d’asile ainsi qu’à leur famille. Donc cela implique la mise en place de garantie d’accueil : hébergement, logement, nourriture, vêtement, allocation journalière, protection maladie.
La loi de 2015 donne la possibilité aux demandeurs d’asile de poursuivre des études ou une formation. S’agissant des mineurs accompagnés ou non, le droit à une scolarisation reste une obligation pour tous les mineurs
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En définitif, il serait tout à fait normal de se poser la question de l’effectivité des droits accordés aux demandeurs d’asile car même si de façon générale des droits sont accordés, remarquons toutefois que certains sont restreint et ne facilitent pas le libre exercice des droits acquis en référence au statut reconnu. Au regard de toutes ces énonciations, on se pose parfois la question de savoir si ces droits sont cumulatifs ou successifs. Ces droits évoqués confèrent à priori une protection aux titulaires et concernent uniquement la France et malgré les tentatives d’harmonisation du régime du droit d’asile, les situations sont encore très diverses dans les autres pays de l’Europe.
[1] Al 4 du préambule de 46 : “ Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République” [2] https://www.google.com/search?q=les+demandeurs+d%27asile+en+france&rlz=1C1CHBF_fr__891FR891&hl=en&sxsrf=ALeKk02LPLu8mNiK9JYGh_dLJDKAnejNpw:1611763199274&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=2ahUKEwirh9HnvbzuAhVvx4UKHUABCswQ_AUoAnoECAIQBA&biw=1266&bih=536 [3]https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000023141343 [4] https://www.lacimade.org/la-cour-de-justice-de-l-union-europeenne-statue-sur-la-question-de-l-accueil-des-dublines/ [5] https://www.la-croix.com/France/Immigration/demandeurs-dasile-pourront-effectuer-retrait-leur-carte-2019-08-07 1201039817
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