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Demande concomitantes, asile et séjour en France

  • masterjpppdroitdes
  • 9 avr. 2021
  • 7 min de lecture

Avancée Juridique ou durcissement ?

Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie


1- ANALYSE DE LA LOI – LES ENJEUX DE LA LOI :

Rappel des textes


● L 311-6 DU CESEDA :

Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour.

Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article.



● D 311-3-2 DU CESEDA :

Pour l'application de l'article L. 311-6, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné au 11° de l'article L. 313-11, ce délai est porté à trois mois.

Auparavant, les demandeurs d’asile (DA) déboutés du droit d'asile avaient la possibilité de solliciter un titre de séjour pour un autre motif, en cours de procédure ou bien ultérieurement, même après avoir été déboutés.

En effet, le texte en question souligne que cette possibilité fait l'objet d'une utilisation abusive, destinée à faire obstacle aux mesures d'éloignement.

Désormais, les DA ne disposent que de deux mois (sauf pour raisons de santé : 3 mois) après l’enregistrement de leur demande en guichet unique (GUDA), pour déposer une demande de titre de séjour concomitante à leur demande d’asile.

Cette loi est venue clarifier des textes déjà existants, mais qui dans leur application sur le terrain, faisaient l’objet d’une pratique assez floue et divergente d’une préfecture à une autre.

En effet, les préfectures mal informées ou en raison de l’imprécision de la précédente loi, refusaient, hors de toute base légale, de prendre en considération les demandes de titre séjour lorsque le demandeur se présentait à l’accueil des guichets de préfecture[1]

Des précisions importantes concernant l’application de cette disposition sont contenues dans une circulaire du 28 février 2019[2] .

Ainsi, cette loi est venue poser les règles de mise en œuvre de la double demande.


Les objectifs de cette loi :

-Examiner globalement la situation du DA

-Limiter dans le temps la possibilité pour le DA de solliciter un titre de séjour pour un autre motif pendant l’examen de sa demande

-Organiser au mieux les services des préfectures chargés de l’examen du droit au séjour des personnes en situation irrégulière.

-Réparer les dysfonctionnements existant au sein des préfectures

-Accélérer la procédure : la demande de titre de séjour doit être enregistrée dans le délai de 2 mois ou 3 mois pour raisons de santé à compter de la remise par le GUDA de l’information écrite sur les conditions d’admission au séjour en France, passé le délai le DA ne peut plus prétendre à une demande de titre de séjour sauf « existence de circonstances nouvelles ».


Avancées de cette loi :

-Elle permet de tenir informer le DA de son droit à présenter une demande de titre séjour en parallèle de sa demande d’asile.

-Elle donne une reconnaissance officielle à la double demande, qui auparavant n’était pas clairement spécifiée dans la loi et donnait lieu à des applications erronées au sein des préfectures : refus d’enregistrement, décisions totalement arbitraires qui privait les DA de leur droit d’obtenir un titre de séjour.

-Elle organise la double demande dans un délai imparti


2- LES EFFETS PERVERS DE LA LOI : une loi à la dérive …


En effet, les demandeurs d’asile sont mal renseignés lors de leur passage aux guichets uniques. Souvent les informations fournies sont insuffisantes et inefficaces. Surtout, s’agissant des délais qui ne sont pas réellement applicables aux procédures Dublin et accélérée. Aucune précision n’est donnée quant à l’obligation d’énumérer par exemple les différentes possibilités de régularisation d’un titre de séjour notamment pour raison de santé. Or, une vigilance particulière devrait être apportée à ces demandeurs d’asile qui se présentent en GUDA et dont l’état de santé est fragile[3].


La situation des ressortissants des pays sûrs et des « Dublinés » :


Les DA en procédure accélérée font l’objet d’une présomption simple et sont soumis à la procédure accélérée, si bien qu’en cas de rejet de la demande d’asile cela entraîne en cascade la fin de l’accès aux conditions matérielles d’accueil, mais également la prise par le préfet de la mesure d’obligation de quitter le territoire français (OQTF). De ce fait, le délai pour déposer une demande de titre de séjour (2 mois et 3 mois) est inopérant pour les demandeurs en procédure accélérée, qui restent cantonnés au délai de 15 jours[4].

Quant à la situation des demandeurs placés en procédure DUBLIN, la situation est similaire et vouée quasiment à l’échec. Ils sont soumis à la présomption simple de renvoi vers le pays d’entrée dont le demandeur dépend ipso facto, ce qui empêche toutes demandes de titre de séjour même pour raisons de santé. Au surplus, l’obtention d’un certificat médical dans un délai aussi bref s’avérant presque impossible[5]


Difficultés relatives à la demande de titre de séjour pour raisons médicales :


Le délai de 3 mois imposé pour déposer un dossier de titre de séjour est un délai quasiment impossible à tenir dans les faits, car cette démarche nécessite la remise d’un certificat médical qui doit être joint à la demande de titre de séjour. Ainsi, la prise en charge médicale d’un DA est semée d'embûches en raison de l’absence de la Complémentaire Santé Solidaire C2S (ancienne CMU), le coût des examens médicaux, les dates des rendez-vous longs à obtenir auprès des différents médecins et spécialistes pour faire établir le dossier médical.[6].

L’état de fragilité de ces DA est insuffisamment pris en compte ainsi que les contraintes liées à l’établissement des certificats médicaux nécessaires à ladite demande. La COVID19 a rendu encore plus difficile l’accès aux soins et aux médecins habilités à réaliser les certificats, et ce alors qu’aucun aménagement de parcours de soins n’est prévu pour cette situation particulière. Le DA est livré à lui-même pour entreprendre les démarches pour obtenir ce dossier médical.

Ainsi passé le délai de 3 mois, le DA ne peut plus demander de titre de séjour pour raison de santé sauf existence de « circonstances nouvelles ». Par ailleurs, le préfet dispose de la faculté de ne pas tenir compte de l’avis médical du Conseil Médical et peut ainsi rejeter la demande pour raison de santé, et rendre une décision de refus de séjour, en contradiction avec l’avis médical fourni par un collège de médecins.[7]


La difficulté relative à la notion de « circonstances nouvelles » :


La loi ne définit pas la notion de « circonstances nouvelles ». Cette règle est soumise à l’appréciation du préfet qui en fait une interprétation restrictive, rendant la demande inopérante et aboutissant à un rejet quasi systématique.

Dans le cadre de la demande pour raison de santé, la loi exige la nécessité de justifier d’une résidence habituelle à la date de la demande, ce qui a pour conséquence de restreindre l'accès à cette demande.

Le préfet portant la double casquette dépositaire de la demande et de celui qui délivre la mesure d’éloignement du territoire (OQTF), se trouve en position d’être juge et partie.

Ainsi, en cas de refus de la demande d’asile et alors même qu’une demande de titre de séjour est en cours, le préfet rend une mesure d’éloignement, privant le demandeur du droit à bénéficier de l’examen du bien-fondé de sa demande de titre de séjour qui n’est donc même pas étudiée.

Par ailleurs, cette situation a pour effet de créer un « nouveau » statut de personne en situation irrégulière sur le territoire français puisqu’elle crée un statut hybride, totalement inattendue et involontaire, un statut dans le statut. Ni régularisable ni expulsable ([8])([9])([10]).

C’est là, le paradoxe de cette loi qui porte le titre « Pour l’immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » !

Ainsi se pose la question de l’intention réelle du législateur entre une harmonisation de la procédure ou d’un durcissement de l’accès au titre de séjour pour le demandeur d’asile.

L’immigration est maîtrisée, l’accès au titre est réduit à son stricte minimum, mais l’effet pervers est néanmoins d’accentuer la présence d’une population à l’intérieur du territoire français et européen en situation irrégulière, augmentant les situations précaires, fragilisant ces personnes, augmentant la misère sociale de ces demandeurs déboutés de leurs demandes d’asile et de titre de séjour et condamnés à errer sans espoir de voir une régularisation rapide de leur situation sur le territoire.

Intégration réussie ! Pour qui ?



BALIDOU Said

M2 Droit des étrangers


[1] TA Toulouse 16 novembre 2015 décision n°1504805 [2] 2La circulaire du ministère de l’Intérieur, publiée le 28 février 2019 [3] Art R311.37 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile [4] L.722-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile [5] L311-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile [6] Nicolas Klausser, « Des sujets de moindres droits ». Rapport du Défenseur des droits relatif aux personnes étrangères gravement malades. », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 21 mai 2019, consulté le 27 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/revdh/6478 ; DOI : 10.4000/revdh.6478 [7]Article 313-11-11° DU CESEDA “si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée”. [8] Statut « ni… ni… » : application des dispositions cumulées des articles L. 511-4° du CESEDA et L311-6 du CESEDA. [9] Affaire du 13 décembre 2016, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) décision concernant la protection contre l’éloignement des malades étrangers au regard de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Arrêt du 2 mai 1997, D. c. Royaume-Uni (n° 30240/96) [10] Rapport Défenseur des Droits Nicolas KLAUSSER Malades étrangers : la CEDH se réconcilie (presque) avec elle-même et l’Humanité Droit des étrangers (CEDH) – URL : http://journals.openedition.org/revdh/2965 ; DOI : 10.4000/revdh.2965


 
 
 

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